Réécrire au féminin. Sandra Newman : Julia
Littérature

Julia ? Souvenez-vous ! C’est le prénom (elle n’a d’ailleurs pas de nom) de la compagne et amante de Winston Smith, le héros du roman, devenu mythique depuis sa publication en 1949, de Georges Orwell, 1984. Réduite à un rôle secondaire, représentée selon des traits stéréotypés et misogynes (vulgarité, liberté sexuelle et sensualité, absence de véritable réflexion politique, faiblesse après l’arrestation), le personnage avait suscité bien des critiques. D’où le projet de Sandra Newman, une autrice américaine, de réécrire 1984 du point de vue cette fois de Julia, dont le prénom éclate en titre de son roman, paru en 2024. Julia y affronte, comme chez Orwell, l’oppression d’un État totalitaire et l’implacable regard de Big Brother mais colore tout cet univers d’une sensibilité féminine nouvelle. Le texte de S. Newman s’écrit en miroir constant de celui d’Orwell, que le lecteur est supposé connaître, mais dont il réussit à s’émanciper, en particulier dans le rôle prêté à Julia et dans une fin, étonnante, où triomphe l’invention.